ぺるちえ覚書

兎追いしかの山… 懐かしい古里の思い出や家族のこと、日々の感想を、和文と仏文で綴ります。

Les fleurs de glycine

2022-01-31 14:02:00 | écrit français
Mauve ou violet clair, c’était la couleur préférée de ma grand-mère maternelle. Je ferme les yeux, je vois ma grand-mère habillée en kimono de soie couleur fleurs de glycine. Elle est assise dans le salon de la maison à Shônan, la maison de mon enfance dorée au bord de la mer. Au printemps, le salon donnait sur la terrasse couverte avec pergola décorée des fleurs de glycine magnifiques. Je me souviens de l’odeur de la mer que je sentais dans cette maison. Je me souviens aussi de l'odeur du kimono, un mélange de senteurs de vieux tissus en soie et du parfum de ma grand-mère. Je me souviens de ces odeurs avec le sourire de ma grand-mère, doux, un peu triste, mais plein d’amour pour sa petite fille. Petite, je l’adorais plus que tout. C'était une dame d'une grande élégance.

La famille de ma grand-mère était d’origine Hatamoto, les gardes officiels du shogoun. Ses grands-parents vécurent comme seigneurs samouraïs d'Edo, tandis que la grande réforme de Meiji en 1868 bouleversa leur mode de vie féodale. Ma grand-mère est née au début du siècle dernier dans un Japon fraîchement occidentalisé. Seule fille d'une fratrie de sept enfants, elle fut éduquée par sa tante selon la plus pure tradition samouraï. Ma grand-mère composait des Haïkus, jouait au Koto et chantait des Ko-utas. C'était aussi une grande amoureuse de la littérature classique comme “le Dit de Genji”. Elle même était une conteuse fantastique pour ses petits-enfants.

Quand j’avais trois ans, ma mère m’a inscrite à un cours de danse traditionnelle. C’était pour ma grand-mère. Elle souhaitait depuis toujours que ses petites-filles apprennent la tradition, comme elle l’avait transmise à ma mère. En sortant de l'école maternelle, ma mère m’amenait chez une professeure de l'école de danse Hanayagui. Au vestiaire, ma mère me changeait en kimono. Quand on n’en a pas l'habitude, s'habiller en Kimono n'est pas simple. D’abord, elle me mettait une paire de Tabis aux pieds, des sortes de chaussettes en coton blanc épais en forme de V, le pousse séparé des orteils. On enserre le pied dedans et les ferme avec des crochets derrière la cheville. Ensuite, elle me mettait un Juban, un sous-vêtements léger en soie ou en coton blanc qu’on porte sous le kimono. Enfin, elle me mettait le kimono en ajustant la longueur à ma cheville, faisant des plis au niveau de la hanche et les fixait en serrant un cordon en coton autour de ma taille. Sur ce cordon, elle me mettait un Obi, une grande ceinture tissée épaisse avec des motifs brodés. Elle la finissait avec un joli nœud dans mon dos.

Au bout d’un an, je me souviens avoir dansé en Kimono un numéro classique “Fuji-mousumé” : la fille aux fleurs de glycine. C'était pour ma grand-mère. Juste une fois sur la scène de l'école. Ma mission de danse accomplie, j’ai demandé aussitôt à ma mère de ne plus m'amener chez la professeure de danse. J'ai dû décevoir ma grand-mère. 

Mon frère est né quand j’avais deux ans. Ma mère, femme au foyer depuis le mariage n’avait même pas trente ans à ce moment-là. Déjà à cette époque, mon père ne rentrait qu’à minuit passé tous les soirs, juste pour dormir. Ma mère ne travaillait pas, restait à la maison avec les enfants, seule. Une jeune femme au foyer à Tokyo les années 70. Même si elle était très amoureuse, j’imagine sa détresse, la déception de sa nouvelle vie en famille qui n’avait pas grand-chose à voir avec celle qu’elle avait connue avant. Curieusement, les femmes ne comptaient pas vraiment dans cette nouvelle famille-là. Elle s’était mariée sans savoir, m’a dit-elle plus tard.

Quand mon petit frère est né, ce fut une célébration pour toute la famille de mon père. Il était le premier fils et petit-fils de la famille, le futur chef du clan ! La naissance de mon petit frère fut la fierté de mon père et la joie ultime de mon grand-père paternel.

Dès son arrivée, ma mère s’est consacrée à ce nouveau-né si précieux. Encore trop jeune pour me débrouiller toute seule, à partir de ce moment-là, j'étais souvent confiée à mes grand-mères. Je dormais les week-ends chez les grands-parents, passais mes premières vacances plutôt avec eux qu’avec mes parents. Ça a été un grand bonheur, une enfance dorée, libre comme l'air. Mes grand-mères me remplissaient d'amour. J’étais leur première petite-enfant. Elles me chérissaient sans limites. Leurs amours me nourrissaient pleinement et m’ont construite bien solide. C'est grâce à elles qu'au fond, je n’ai jamais peur de rien.

Mes deux grand-mères étaient très différentes de l’une à l’autre. Elles m’enrichissaient différemment. Curieusement, je les voyais toujours séparément, jamais ensemble. Jamais. Je ne me souviens pas avoir été une seule fois ensemble avec mes deux grand-mères dans les différentes occasions familiales. Peut-être, pour les mariages de mes tantes, les deux jeunes sœurs de mon père, mais je ne m’en souviens plus.

Ma grand-mère paternelle était d’une origine modeste, venait d’un quartier populaire. Je ne savais rien sur sa famille, mais une fois on m’avait dit que son père était un charpentier d’Édo. À l’époque, elle vivait encore avec mes deux jeunes tantes. Leur maison se trouvait à côté du bureau de mon père. C’était une maison traditionnelle en bois que mon grand-père avait construite pour elle.

Ma grand-mère aimait bavarder de tout en buvant du thé avec ses invités, fumant ses cigarettes Seven-Stars. Assise à côté d’elle, je prenais aussi un bol de thé au lait avec eux. Quand il n’y avait personne qui lui rendait visite, nous regardions ensemble des émissions de chansons populaires à la télé. C’était une grande admiratrice de Misora HIBARI, “ la chanteuse à la voix aux sept couleurs ”. L’une de mes tantes aussi chantait souvent ces airs avec une jolie voix. Le soir dans un futon à coté d’elle ou d’une de mes tantes, je feuilletais leurs magazines féminins “ pour les grands ” que ma mère interdisait à la maison. Elles étaient simple et terre à terre. C’était la liberté.

Pendant longtemps, ce décalage entre mes deux grand-mères fut une énigme. Mais comme pour tous les enfants au monde, ça ne m’a jamais posé problème. Je les aimais toutes les deux naturellement, énormément. Enfant, passer un week-end chez l’une ou l’autre, était mon bonheur. Le printemps, l’été, l’automne, l’hiver, mon enfance est remplie des souvenirs heureux et colorés avec elles.

Mes goûts pour la lecture et le spirituel, je les tiens de ma grand-mère maternelle. Elle avait beaucoup d’esprit et de foi. Elle était profondément croyante. Avec elle et ma mère, nous allions régulièrement aux temples Shintoïstes ou bouddhistes. Ma grand-mère faisait des offrandes aux temples pour chaque saison. J’aimais beaucoup les accompagner à ces pèlerinages. Les temples étaient souvent entourés d’une forêt ou d’un grand jardin. Il fallait marcher un long moment dans la nature avant de les atteindre. Sur le chemin, l’air était pur et sacré. Les Kamis y habitaient. Au Japon, nous vivons depuis toujours avec Yaoyorozu-no-Kamis : les huit millions des dieux et des esprits du pays, ainsi qu’avec nos ancêtres car pour nous, l’âme est éternelle.

Ma grand-mère maternelle est morte il y a presque vingt ans aujourd’hui. Pourtant, je sens qu’elle est toujours là, présente comme un ange gardien. De temps en temps, elle m’envoie des signes pour me dire qu’elle est bien là. La dernière fois, c’était il y a quelques années, un été au Japon. Profitant d’un moment libre, je suis partie seule au temple d’Isé-Jingu, une de mes destinations préférées.

Ce matin-là, je suis allée au Naïkû : le temple principal et j’ai décidé de faire une offrande “Kagura” : la musique et la danse sacrées au Kagura-den. C’était le lendemain d’une grande fête religieuse. Les pèlerins habituels étaient déjà repartis la veille et il n’y avait personne dans la salle d’attente. La grande salle était vide et silencieuse. D’habitude, il pouvait y avoir jusqu’à une centaine de personnes et les pèlerins étaient regroupés par une carte d’attente pour chaque séance de Kagura. On distribuait à chacun une carte portant une couleur et un dessin. 

Comme j’étais la seule à attendre ce matin-là, on avait oublié de me donner la carte. Alors sans ma carte, je suis entrée dans la grande salle vide, seule, complètement perdue. Là, une prêtresse est venue me voir en courant à petits pas et m’a tendu une carte. Une carte d’attente pour moi seule, avec comme par hasard, la couleur et le dessin des fleurs de glycine ! En plus, elle était marquée du chiffre fétiche de ma grand-mère, le 13. J’étais la treizième personne ce matin au Kagura-den. Non, ce n’était pas un hasard. Je ne peux pas me tromper. C’était elle. Ma grand-mère était avec moi ce matin-là. 
 

Parent : un métier plus difficile aujourd’hui ?

2022-01-24 19:37:00 | écrit français
Être un père ou une mère aujourd’hui, est-ce un métier plus difficile qu’autrefois ? Telle est la question posée, mais je ne suis pas sûre que parent soit “un métier”.

Les définitions de “métier” dans le dictionnaire : 1 - Profession, travail dont on vit. 2 - Machine servant à la fabrication des textiles. 3 - Expérience, habilité technique.

On peut certainement dire que “parent” est une expérience et une habilité technique, riche et complexe. Ce métier a dû évoluer avec le temps comme tous les métiers. Alors, quel est la spécificité de ce métier “parent d’aujourd’hui” ?

Tout d’abord, il paraît que nous nous marions moins qu’avant. Beaucoup de couples forment une famille avec des enfants hors mariage. Pourquoi ? Peut-être, pour alléger les engagements ou pour se sentir libres même en devenant parents. Ils sont pacsés au mieux. Parallèlement, nous divorçons beaucoup plus facilement qu’avant. Il y a une dizaine d’années quand notre fils était encore dans une école maternelle à Paris, déjà à cette époque-là, plus de la moitié d’élèves de la classe étaient des enfants de parents divorcés. Ces enfants jonglaient entre la maison de leur mère et celle de leur père dans la semaine. Ces réalités qui ne sont pas simples pour les enfants d’aujourd’hui doivent affecter leurs rapports avec les parents. 

Pour eux, la notion de famille a bien changé par rapport à autrefois. Avant, la famille pour les enfants était la base de la vie qui leur donnait la stabilité et la sécurité. Mais aujourd’hui, quel que soit le milieu social, elle est devenue une unité souvent instable et plus variée dans la forme : monoparentale, homoparentale, recomposée, etc. Ainsi, la famille pour les enfants d’aujourd’hui n’est plus comme celle d’avant. 

Par conséquent, le métier d’être parent peut être moins évident qu’avant. De plus, s’y ajoute chaque année la hausse des prix, la dégradation environnementale, le réchauffement climatique, etc. On peut facilement compter mille raisons pour lesquelles les parents seront plus pessimistes pour le futur de leurs enfants. 

Ainsi avec le temps, les conditions qui influençaient la vie de famille ont énormément changé. Néanmoins, nous savons que le métier d’être parent n’a jamais été facile quelle que soit l’époque. 

En fin de compte, qu’est-ce qui importe dans ce métier ? Quand on est un père ou une mère, tout ce que nous souhaitons est le bien-être de nos enfants, leur bonheur. Fort ou moins fort, réussi ou moins réussi, ce n’est pas important. Les enfants doivent s’épanouir quelles que soient leurs capacités intellectuelles ou physiques. Dans ce but, le métier de parent est de les aider et de les protéger.

Ce qui donne la force aux enfants, je suis sûre que c’est le sentiment d’être aimés. C’est le plus important de tout, la clef de ce métier.

Pour conclure, si nous pensons qu’être parent est un métier plus difficile qu’autrefois, c’est parce que les parents d’aujourd’hui sont souvent moins sûrs d’eux-mêmes. Avant, les parents n’avaient probablement pas d’autre choix que d’assumer leur rôle de père ou de mère et d’essayer d’assurer le plus possible le bonheur de leurs enfants. Ils vivaient peut-être moins égoïstement. En tout cas, le principe de ce métier n’a pas changé : l’amour inconditionnel pour le bien-être des enfants.