2019-09-11 01:46:27
Les médecins s’en étaient allés. Au bout d’une heure, Gervaise, restée avec l’interne, répéta à voix basse :
— Monsieur, monsieur, il est mort…
Mais l’interne, qui regardait les pieds, dit non de la tête. Les pieds nus, hors du lit, dansaient toujours. Ils n’étaient guère propres, et ils avaient les ongles longs. Des heures encore passèrent. Tout d’un coup, ils se raidirent, immobiles. Alors, l’interne se tourna vers Gervaise, en disant :— Ça y est.
La mort seule avait arrêté les pieds.
Quand Gervaise rentra rue. Elle crut qu’on l’attendait pour avoir des nouvelles, comme les autres jours.
— Il est claqué quatre jours à gigoter et à gueule.
Depuis ce jour, comme Gervaise perdait la tête souvent, une des curiosités de la maison était de lui voir faire Coupeau. On n’avait plus besoin de la prier, elle donnait le tableau gratis, tremblement des pieds et des mains, lâchant de petits cris involontaires. Sans doute elle avait pris ce tic-là à Sainte-Anne, en regardant trop longtemps son homme. Mais elle n’était pas chanceuse, elle n’en crevait pas comme lui.
Gervaise dura ainsi pendant des mois. Elle dégringolait plus bas encore, acceptait les dernières avanies, mourait un peu de faim tous les jours. Dès qu’elle possédait quatre sous, elle buvait et battait les murs. On la chargeait des sales commissions du quartier. Un soir, on avait parié qu’elle ne mangerait pas quelque chose de dégoûtant ; et elle l’avait mangé, pour gagner dix sous. Marescot s’était décidé à l’expulser de la chambre du sixième. Mais, comme on venait de trouver le père Bru mort dans son trou, sous l’escalier, le propriétaire avait bien voulu lui laisser cette niche. Maintenant, elle habitait la niche du père Bru. C’était là dedans, sur de la vieille paille, qu’elle claquait du bec, le ventre vide et les os glacés. La terre ne voulait pas d’elle, apparemment. Elle devenait idiote, elle ne songeait seulement pas à se jeter du sixième sur le pavé de la cour, pour en finir. La mort devait la prendre petit à petit, morceau par morceau, en la traînant ainsi jusqu’au bout dans la sacrée existence qu’elle s’était faite. Même on ne sut jamais au juste de quoi elle était morte. On parla d’un froid et chaud. Mais la vérité était qu’elle s’en allait de misère, des ordures et des fatigues de sa vie gâtée. Elle creva d’avachissement, selon le mot des Lorilleux. Un matin, comme ça sentait mauvais dans le corridor, on se rappela qu’on ne l’avait pas vue depuis deux jours ; et on la découvrit déjà verte, dans sa niche.
lorsqu’il empoigna Gervaise dans ses grosses mains, il fut pris d’une tendresse, il souleva doucement cette femme qui avait eu un si long béguin pour lui. Puis, en l’allongeant au fond de la bière avec un soin paternel.
Maupassant
Dans la nuit du 1er au 2 janvier 1892, il fait une tentative de suicide au pistolet (son domestique, François Tassart, avait enlevé les vraies balles). Il casse alors une vitre et tente de s’ouvrir la gorge. Il se fait une plaie peu profonde au côté gauche du cou. On l'interne à Paris le 8 janvier dans la clinique du docteur Blanche61, où il meurt de paralysie générale un mois avant son quarante-troisième anniversaire, après dix-huit mois d’inconscience presque totale, le 6 juillet 1893, à onze heures quarante-cinq du matin. Sur l’acte de décès figure la mention « né à Sotteville, près d’Yvetot », ce qui ouvre la polémique sur son lieu de naissance.
Le 8 juillet, les obsèques ont lieu à l'église Saint-Pierre-de-Chaillot à Paris. Il est enterré au cimetière du Montparnasse à Paris (26e division). Émile Zola prononce l'oraison funèbre : « […] Je ne veux pas dire que sa gloire avait besoin de cette fin tragique, d'un retentissement profond dans les intelligences, mais son souvenir, depuis qu'il a souffert de cette passion affreuse de la douleur et de la mort, a pris en nous je ne sais quelle majesté souverainement triste qui le hausse à la légende des martyrs de la pensée. En dehors de sa gloire d'écrivain, il restera comme un des hommes qui ont été les plus heureux et les plus malheureux de la terre, celui où nous sentons le mieux notre humanité espérer et se briser, le frère adoré, gâté, puis disparu au milieu des larmes… »
Le cadavre commençait à empoisonner la chambre. Ce fut une panique, après une longue insouciance.
— Filons, filons, mes petites chattes, répétait Gaga. Ce n’est pas sain.
Elles sortaient vivement, en jetant un regard sur le lit. Mais, comme Lucy, Blanche et Caroline étaient encore là, Rose donna un dernier coup d’œil pour laisser la pièce en ordre. Elle tira un rideau devant la fenêtre ; puis, elle songea que cette lampe n’était pas convenable, il fallait un cierge ; et, après avoir allumé l’un des flambeaux de cuivre de la cheminée, elle le posa sur la table de nuit, à côté du corps. Une lumière vive éclaira brusquement le visage de la morte. Ce fut une horreur. Toutes frémirent et se sauvèrent.
— Ah ! elle est changée, elle est changée, murmurait Rose Mignon, demeurée la dernière.
Elle partit, elle ferma la porte. Nana restait seule, la face en l’air, dans la clarté de la bougie. C’était un charnier, un tas d’humeur et de sang, une pelletée de chair corrompue, jetée là, sur un coussin. Les pustules avaient envahi la figure entière, un bouton touchant l’autre ; et, flétries, affaissées, d’un aspect grisâtre de boue, elles semblaient déjà une moisissure de la terre, sur cette bouillie informe, où l’on ne retrouvait plus les traits. Un œil, celui de gauche, avait complètement sombré dans le bouillonnement de la purulence ; l’autre, à demi ouvert, s’enfonçait, comme un trou noir et gâté. Le nez suppurait encore. Toute une croûte rougeâtre partait d’une joue, envahissait la bouche, qu’elle tirait dans un rire abominable. Et, sur ce masque horrible et grotesque du néant, les cheveux, les beaux cheveux, gardant leur flambée de soleil, coulaient en un ruissellement d’or. Vénus se décomposait. Il semblait que le virus pris par elle dans les ruisseaux, sur les charognes tolérées, ce ferment dont elle avait empoisonné un peuple, venait de lui remonter au visage et l’avait pourri.
La chambre était vide. Un grand souffle désespéré monta du boulevard et gonfla le rideau.
— À Berlin ! à Berlin ! à Berlin !
Si, à compter de ce jour, je me reporte à quelques mois en arrière, je trouve, comme signe précurseur de cet événement, une transformation soudaine, profonde et décisive de mes goûts, surtout en musique. Peut-être faut-il ranger mon Zarathous tra sous la rubrique « Musique ». Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il supposait au préalable une « régénération » totale de l’art d’écouter. Dans une petite ville d’eau en pleine montagne, près de Vicence, à Recoara, où je passai le printemps de l’année 1881, je découvris en compagnie de mon maëstro et ami Peter Gast — un « régénéré » lui aussi, — que le phénix musique volait près de nous, paré d’un plumage plus léger et plus bril lant qu’autrefois. Si, pourtant, à compter de ce jour, je me transporte en pensée jusqu’à la date de l’enfantement, qui se fit soudainement et dans les conditions les plus invraisemblables au mois de février 1883 — (la partie finale, celle dont j’ai cité quelques passages dans la préface, fut achevée préci sément à l’heure sainte où Richard Wagner mourait à Venise) — je constate que l’incubation fut de dix-huit mois. Ce chiffre d’exactement dix-huit mois pourrait donner à penser — entre bouddhistes tout au moins — que je suis au fond un éléphant femelle. L’intervalle appartient à la composition du Gai savoir, qui contient déjà cent indices annonçant l’approche de quelque chose d’incomparable ; en fin de compte, on y trouve même le début de Zarathoustra, car l’avant-dernière pièce du quatrième livre en contient l’idée fondamentale.
Kafka's laryngeal tuberculosis worsened and in March 1924 he returned from Berlin to Prague,[65] where members of his family, principally his sister Ottla and Dora Diamant, took care of him. He went to Dr. Hoffmann's sanatorium in Kierling just outside Vienna for treatment on 10 April,[77] and died there on 3 June 1924. The cause of death seemed to be starvation: the condition of Kafka's throat made eating too painful for him, and since parenteral nutrition had not yet been developed, there was no way to feed him.[127][128] Kafka was editing "A Hunger Artist" on his deathbed, a story whose composition he had begun before his throat closed to the point that he could not take any nourishment.[129] His body was brought back to Prague where he was buried on 11 June 1924, in the New Jewish Cemetery in Prague-Žižkov.[61] Kafka was virtually unknown during his own lifetime, but he did not consider fame important. He rose to fame rapidly after his death,[90] particularly after World War II. The Kafka tombstone was designed by architect Leopold Ehrmann.[130]
Le 28 octobre 1901, s'étant engagé sur un glacis au sommet d'une paroi rocheuse plongeant tout droit dans l'Inn, il glisse, tombe et se noie dans le fleuve. Un travailleur, qui vu la scène de la rive opposée, retire le corps des flots. C'est là, à Celerina, que Rée est enterré.
Les médecins s’en étaient allés. Au bout d’une heure, Gervaise, restée avec l’interne, répéta à voix basse :
— Monsieur, monsieur, il est mort…
Mais l’interne, qui regardait les pieds, dit non de la tête. Les pieds nus, hors du lit, dansaient toujours. Ils n’étaient guère propres, et ils avaient les ongles longs. Des heures encore passèrent. Tout d’un coup, ils se raidirent, immobiles. Alors, l’interne se tourna vers Gervaise, en disant :— Ça y est.
La mort seule avait arrêté les pieds.
Quand Gervaise rentra rue. Elle crut qu’on l’attendait pour avoir des nouvelles, comme les autres jours.
— Il est claqué quatre jours à gigoter et à gueule.
Depuis ce jour, comme Gervaise perdait la tête souvent, une des curiosités de la maison était de lui voir faire Coupeau. On n’avait plus besoin de la prier, elle donnait le tableau gratis, tremblement des pieds et des mains, lâchant de petits cris involontaires. Sans doute elle avait pris ce tic-là à Sainte-Anne, en regardant trop longtemps son homme. Mais elle n’était pas chanceuse, elle n’en crevait pas comme lui.
Gervaise dura ainsi pendant des mois. Elle dégringolait plus bas encore, acceptait les dernières avanies, mourait un peu de faim tous les jours. Dès qu’elle possédait quatre sous, elle buvait et battait les murs. On la chargeait des sales commissions du quartier. Un soir, on avait parié qu’elle ne mangerait pas quelque chose de dégoûtant ; et elle l’avait mangé, pour gagner dix sous. Marescot s’était décidé à l’expulser de la chambre du sixième. Mais, comme on venait de trouver le père Bru mort dans son trou, sous l’escalier, le propriétaire avait bien voulu lui laisser cette niche. Maintenant, elle habitait la niche du père Bru. C’était là dedans, sur de la vieille paille, qu’elle claquait du bec, le ventre vide et les os glacés. La terre ne voulait pas d’elle, apparemment. Elle devenait idiote, elle ne songeait seulement pas à se jeter du sixième sur le pavé de la cour, pour en finir. La mort devait la prendre petit à petit, morceau par morceau, en la traînant ainsi jusqu’au bout dans la sacrée existence qu’elle s’était faite. Même on ne sut jamais au juste de quoi elle était morte. On parla d’un froid et chaud. Mais la vérité était qu’elle s’en allait de misère, des ordures et des fatigues de sa vie gâtée. Elle creva d’avachissement, selon le mot des Lorilleux. Un matin, comme ça sentait mauvais dans le corridor, on se rappela qu’on ne l’avait pas vue depuis deux jours ; et on la découvrit déjà verte, dans sa niche.
lorsqu’il empoigna Gervaise dans ses grosses mains, il fut pris d’une tendresse, il souleva doucement cette femme qui avait eu un si long béguin pour lui. Puis, en l’allongeant au fond de la bière avec un soin paternel.
Maupassant
Dans la nuit du 1er au 2 janvier 1892, il fait une tentative de suicide au pistolet (son domestique, François Tassart, avait enlevé les vraies balles). Il casse alors une vitre et tente de s’ouvrir la gorge. Il se fait une plaie peu profonde au côté gauche du cou. On l'interne à Paris le 8 janvier dans la clinique du docteur Blanche61, où il meurt de paralysie générale un mois avant son quarante-troisième anniversaire, après dix-huit mois d’inconscience presque totale, le 6 juillet 1893, à onze heures quarante-cinq du matin. Sur l’acte de décès figure la mention « né à Sotteville, près d’Yvetot », ce qui ouvre la polémique sur son lieu de naissance.
Le 8 juillet, les obsèques ont lieu à l'église Saint-Pierre-de-Chaillot à Paris. Il est enterré au cimetière du Montparnasse à Paris (26e division). Émile Zola prononce l'oraison funèbre : « […] Je ne veux pas dire que sa gloire avait besoin de cette fin tragique, d'un retentissement profond dans les intelligences, mais son souvenir, depuis qu'il a souffert de cette passion affreuse de la douleur et de la mort, a pris en nous je ne sais quelle majesté souverainement triste qui le hausse à la légende des martyrs de la pensée. En dehors de sa gloire d'écrivain, il restera comme un des hommes qui ont été les plus heureux et les plus malheureux de la terre, celui où nous sentons le mieux notre humanité espérer et se briser, le frère adoré, gâté, puis disparu au milieu des larmes… »
Le cadavre commençait à empoisonner la chambre. Ce fut une panique, après une longue insouciance.
— Filons, filons, mes petites chattes, répétait Gaga. Ce n’est pas sain.
Elles sortaient vivement, en jetant un regard sur le lit. Mais, comme Lucy, Blanche et Caroline étaient encore là, Rose donna un dernier coup d’œil pour laisser la pièce en ordre. Elle tira un rideau devant la fenêtre ; puis, elle songea que cette lampe n’était pas convenable, il fallait un cierge ; et, après avoir allumé l’un des flambeaux de cuivre de la cheminée, elle le posa sur la table de nuit, à côté du corps. Une lumière vive éclaira brusquement le visage de la morte. Ce fut une horreur. Toutes frémirent et se sauvèrent.
— Ah ! elle est changée, elle est changée, murmurait Rose Mignon, demeurée la dernière.
Elle partit, elle ferma la porte. Nana restait seule, la face en l’air, dans la clarté de la bougie. C’était un charnier, un tas d’humeur et de sang, une pelletée de chair corrompue, jetée là, sur un coussin. Les pustules avaient envahi la figure entière, un bouton touchant l’autre ; et, flétries, affaissées, d’un aspect grisâtre de boue, elles semblaient déjà une moisissure de la terre, sur cette bouillie informe, où l’on ne retrouvait plus les traits. Un œil, celui de gauche, avait complètement sombré dans le bouillonnement de la purulence ; l’autre, à demi ouvert, s’enfonçait, comme un trou noir et gâté. Le nez suppurait encore. Toute une croûte rougeâtre partait d’une joue, envahissait la bouche, qu’elle tirait dans un rire abominable. Et, sur ce masque horrible et grotesque du néant, les cheveux, les beaux cheveux, gardant leur flambée de soleil, coulaient en un ruissellement d’or. Vénus se décomposait. Il semblait que le virus pris par elle dans les ruisseaux, sur les charognes tolérées, ce ferment dont elle avait empoisonné un peuple, venait de lui remonter au visage et l’avait pourri.
La chambre était vide. Un grand souffle désespéré monta du boulevard et gonfla le rideau.
— À Berlin ! à Berlin ! à Berlin !
Si, à compter de ce jour, je me reporte à quelques mois en arrière, je trouve, comme signe précurseur de cet événement, une transformation soudaine, profonde et décisive de mes goûts, surtout en musique. Peut-être faut-il ranger mon Zarathous tra sous la rubrique « Musique ». Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il supposait au préalable une « régénération » totale de l’art d’écouter. Dans une petite ville d’eau en pleine montagne, près de Vicence, à Recoara, où je passai le printemps de l’année 1881, je découvris en compagnie de mon maëstro et ami Peter Gast — un « régénéré » lui aussi, — que le phénix musique volait près de nous, paré d’un plumage plus léger et plus bril lant qu’autrefois. Si, pourtant, à compter de ce jour, je me transporte en pensée jusqu’à la date de l’enfantement, qui se fit soudainement et dans les conditions les plus invraisemblables au mois de février 1883 — (la partie finale, celle dont j’ai cité quelques passages dans la préface, fut achevée préci sément à l’heure sainte où Richard Wagner mourait à Venise) — je constate que l’incubation fut de dix-huit mois. Ce chiffre d’exactement dix-huit mois pourrait donner à penser — entre bouddhistes tout au moins — que je suis au fond un éléphant femelle. L’intervalle appartient à la composition du Gai savoir, qui contient déjà cent indices annonçant l’approche de quelque chose d’incomparable ; en fin de compte, on y trouve même le début de Zarathoustra, car l’avant-dernière pièce du quatrième livre en contient l’idée fondamentale.
Kafka's laryngeal tuberculosis worsened and in March 1924 he returned from Berlin to Prague,[65] where members of his family, principally his sister Ottla and Dora Diamant, took care of him. He went to Dr. Hoffmann's sanatorium in Kierling just outside Vienna for treatment on 10 April,[77] and died there on 3 June 1924. The cause of death seemed to be starvation: the condition of Kafka's throat made eating too painful for him, and since parenteral nutrition had not yet been developed, there was no way to feed him.[127][128] Kafka was editing "A Hunger Artist" on his deathbed, a story whose composition he had begun before his throat closed to the point that he could not take any nourishment.[129] His body was brought back to Prague where he was buried on 11 June 1924, in the New Jewish Cemetery in Prague-Žižkov.[61] Kafka was virtually unknown during his own lifetime, but he did not consider fame important. He rose to fame rapidly after his death,[90] particularly after World War II. The Kafka tombstone was designed by architect Leopold Ehrmann.[130]
Le 28 octobre 1901, s'étant engagé sur un glacis au sommet d'une paroi rocheuse plongeant tout droit dans l'Inn, il glisse, tombe et se noie dans le fleuve. Un travailleur, qui vu la scène de la rive opposée, retire le corps des flots. C'est là, à Celerina, que Rée est enterré.