1939
Mon Jeannot,
Merci du fond de l'âme de m'avoir sauvé. Je me noyais et tu t'es jeté à l'eau sans une hésitation, sans un regard en arrière. L'admirable, c'est que cela te coûtait et que tu ne l'aurais pas fait si ton élan n'était pas sincère. C'est donc une preuve de force que tu me donnes, une preuve que toutes les leçons de notre travail portent leur fruit. La chèvre et le chou n'existent pas en amour et il n'existe pas de petites amours. Tu avais une tendance à croire au système d'André : "On cueille un visage", etc. C'est faux. L'amour, c'est Tristan et Yseult. Tristan trompe Yseult et il en meurt. En une minute tu as compris que notre amour ne pouvait se metre en balance avec une sorte de regret, de tristesse sans bases. Jamais je n'oublierai ces deux jours et ce terrible 14 Juillet où je cuvais ma chance et où je ne savais plus vivre nulle part. Nous allons retrouver notre île d'amour et notre usine à belles oeuvres. Je t'adore.
Ecris-moi deux lignes. Tes petites lettres sont mes fétiches.
Jean.
Une seule petite bêtise que je te demande. L'attente est pour moi une chose maladive. Si tu rentres très tard, donne un simple petit coup de téléphone que j'entende ta voix.
( Source: Jean Cocteau, Lettres à Jean Marais, Albin Michel, 1987 )
画像はサンドの祖母のベッドです(ノアンの館)
Mon Jeannot,
Merci du fond de l'âme de m'avoir sauvé. Je me noyais et tu t'es jeté à l'eau sans une hésitation, sans un regard en arrière. L'admirable, c'est que cela te coûtait et que tu ne l'aurais pas fait si ton élan n'était pas sincère. C'est donc une preuve de force que tu me donnes, une preuve que toutes les leçons de notre travail portent leur fruit. La chèvre et le chou n'existent pas en amour et il n'existe pas de petites amours. Tu avais une tendance à croire au système d'André : "On cueille un visage", etc. C'est faux. L'amour, c'est Tristan et Yseult. Tristan trompe Yseult et il en meurt. En une minute tu as compris que notre amour ne pouvait se metre en balance avec une sorte de regret, de tristesse sans bases. Jamais je n'oublierai ces deux jours et ce terrible 14 Juillet où je cuvais ma chance et où je ne savais plus vivre nulle part. Nous allons retrouver notre île d'amour et notre usine à belles oeuvres. Je t'adore.
Ecris-moi deux lignes. Tes petites lettres sont mes fétiches.
Jean.
Une seule petite bêtise que je te demande. L'attente est pour moi une chose maladive. Si tu rentres très tard, donne un simple petit coup de téléphone que j'entende ta voix.
( Source: Jean Cocteau, Lettres à Jean Marais, Albin Michel, 1987 )
画像はサンドの祖母のベッドです(ノアンの館)