Les jours et les nuits à écrire...
Edouard Rodrigues, riche et généreux financier se propose d'aider la romancière
dans ses actions sociales. Lui même va ouvrir une bibliothèque gratuite pour les plus
démunis ; son épouse a organisé une crèche pour une vingtaine d'enfants en bas-âge
dont les mamans travaillent.
Dans la lettre du 28 novembre 1863, George Sand le félicite pour ses actions caritatives,
le prie de soutenir le jeune peintre Jules Véron, mais lui exprime aussi qu'elle nécessitera
encore son aide à l'avenir...
"Vous faites des merveilles à Rueil*. Il vous faudrait bien ici pour révolutionner le canton
de La Châtre, qui n'est pas méchant, mais que l'on peut appeler le canton de la mort. (..)
Pour remuer ces pays de sommeil, il faudrait ce que vous avez : grande fortune, grande
volonté, grand coeur.
Mais ce triple attribut se rencontre si rarement qu'il ne faut pas de longtemps espérer
le réveil berrichon. (..)
Mon petit fils** pousse comme un rosier. Il est charmant et il a les yeux et le rire déjà
très intelligents. Je passerais ma journée à l'amuser, et le temps vole ! Il faut travailler.
Je fais maintenant pour le théâtre, le -Marquis de Villemer.
Je fais entrer au collège à la rentrée des classes, un petit garçon de 14 ans, fils d'un serrurier i
vrogne qui l'abandonne sur le pavé. Cet enfant est un mécanicien distingué ; il a exposé au
concours agricole de cette année, à La Châtre, un moulin à bluter et une faneuse de son invention,
petit modèle fait tout en bois, de ses mains, et vraiment chef d'oeuvre.
Les autorités lui ont fait beaucoup de compliments et de promesses, et selon leur coutume,
se sont empressées de l'oublier. J'ai fait une chose très simple, une cotisation de 15 personnes
à 20 f. J'en donnerai cent pour l'entretien des habits et les menus frais, et cette cotisation
renouvelée l'an prochain, permettra à l'enfant de se présenter dans deux ans aux examens
pour l'Ecole des arts et métiers. C'est un gros petit bonhomme décidé, positif, qui a dans les yeux
l'éclair du génie d'application.
Comprenez-vous une ville où toute la bourgeoisie est riche et point mauvaise, mais qui laisserait
mendier cet enfant tout en disant qu'il fait honneur au pays ? - Ah ! bien oui, mais pour l'assister,
il faudrait se déranger peut-être. Mme Sand a bien le temps, elle passe les jours et les nuits à écrire !
c'est à elle d'y songer. Ah ! si vous étiez là, vous les feriez marcher, mon brave juif***, ces Celtes
encroûtés dans leur Gaule rêveuse."
*E Rodriguez avait fait construire le château de Bois-Préau à Rueil, actuelle annexe du Musée
National de Malmaison.
**Marc Antoine Dudevant (1863-1864), 1er enfant de Maurice Dudevant et Lina Calamatta.
***E Rodrigues était de confession israélite (et si les informations sur Wikipédia sont exactes,
il s'était converti au catholicisme à la fin de sa vie).
Maison de George Sand à Nohant
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ＢＮＦ ＤＡＴＡ
https://data.bnf.fr/fr/14454318/edouard_rodrigues/
