西尾治子 のブログ Blog Haruko Nishio:ジョルジュ・サンド George Sand

日本G・サンド研究会・仏文学/女性文学/ジェンダー研究
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Victor Hugo (1)

2008年12月12日 | 十九世紀の文学
http://www.liberation.fr/culture/0101304699-hugo-es-tula より

Hugo es-tu la?
GRAND ANGLE
Adepte du spiritisme, le poete en exil a Jersey s’est cru prophete d’une nouvelle religion. Une biographie devoile cet etrange episode de sa vie.
EDOUARD LAUNET

Le 22 octobre 1854, Victor Hugo demande a la «table parlante» : «Que va-t-il y avoir dans mon tombeau, un prophete ou un poete ?» L’auteur de Notre-Dame-de-Paris est en exil sur l’ile de Jersey depuis deux ans. Il s’adonne au spiritisme avec sa famille et quelques proches depuis plusieurs mois. Il a acquis la conviction que les esprits s’exprimant par l’intermediaire de la table sont en train de lui dicter la Bible d’une religion nouvelle «qui englobera le christianisme, en l’elargissant, comme le christianisme avait englobe le paganisme». Le poete pense etre devenu prophete, mais, ce dimanche 22 octobre, il laisse aux spectres le soin de trancher la question.

Folle prolixite

Le grand Hugo est-il subitement devenu fou a 52 ans ? L’air vif de l’archipel anglo-normand a-t-il favorise chez lui un delire theologique ? Un ouvrage de Jean-Marc Hovasse, chercheur au CNRS et biographe du grand homme, vient jeter une lumiere nouvelle sur cet etrange episode jersiais, ainsi que sur le long et fascinant sejour de l’ecrivain dans les îles de la Manche (1). Car l’exil de Victor Hugo (de fin 1851 a 1870, a Bruxelles, puis Jersey, puis Guernesey) fut un moment extraordinaire de la litterature et, au-dela, de l’histoire francaise. Il a fait d’un grand auteur un genie d’une folle prolixite : poemes, romans, dessins, discours, lettres, meubles. Et même evangiles ?

Jean-Marc Hovasse fournit, en 1 285 pages tres denses, tous les éléments du dossier. Son recit, deuxieme tome d’une biographie dont la publication a commence en 2001 et se poursuivra peut-etre jusqu’en 2015, est a ce jour le plus complet que l’on ait donné de cet exil. Jamais n’est apparue aussi nettement l’image d’un Hugo au bord de l’infini, tutoyant les dieux et les geants de la litterature (Dante, Shakespeare, Chateaubriand, etc.), redigeant des œuvres visionnaires comme les Chatiments et les Contemplations, narguant depuis son rocher l’empereur Napoleon III, auteur honni d’un coup d’Etat, qui a oblige Hugo, le representant du peuple, a quitter son pays et a lutter de loin pour le retour de la Republique. Le rebelle ne doute pas de sa force ni de son destin. Le 21 decembre 1854, il note : «L’Ocean est sous ma fenetre. Je regarde cet indomptable, et je lui dis : "Joutons !"»

Poète et republicain, Hugo veut marier le spirituel et le politique, souligne Jean-Marc Hovasse. L’exile cherche a se construire une philosophie englobant la justice sociale et le sublime. Il venere un Dieu qui n’est pas celui des Eglises et encore moins des bénitiers, mais qui repond a une construction toute hugolienne : «Dans sa philosophie religieuse se melent, à un peu de christianisme, du saint-simonisme, du fouriérisme, du magnetisme, du socialisme, sans parler de la théosophie et de la kabbale», résumait, en 2003, l’universitaire Robert Kopp. Devant ces chantiers cosmogoniques et cette soif de transcendantal, les autres proscrits refugies à Jersey restent pour le moins dubitatifs. Est-ce Dieu que Hugo invoque à tout bout de champ ? La revolution doit-elle s’encombrer de telles vieilleries ? C’est alors que le spiritisme va venir au secours du spirituel. En septembre 1853, debarque a Jersey Delphine de Girardin, amie de Hugo, ancienne muse de la Patrie. Elle apporte avec elle la mode des «tables parlantes», qui a deferle sur l’Europe apres avoir eclos en Amerique. Paris et Londres font parler les gueridons, alors pourquoi pas Jersey ? Helas, a Marine-Terrace, la maison qu’habitent Hugo et son «goum», c’est-a-dire la famille et des amis proches, la table reste resolument coite.



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Victor Hugo(2)

2008年12月12日 | 十九世紀の文学
Leopoldine, l’ange cheri
Pourtant, le 11 septembre, peu avant le depart de Delphine de Girardin, un esprit consent enfin a animer la table : c’est celui de Leopoldine, la fille de Victor Hugo qui s’est noyee dans la Seine en 1843 ! Si c’est une supercherie, elle est de tres mauvais gout. Leopoldine est l’ange cheri de Hugo, celle vers laquelle il est toujours pret a partir, «demain, des l’aube, a l’heure ou blanchit la campagne…», pour fleurir sa tombe. Le fidele Auguste Vacquerie, beau-frere de Leopoldine et membre du goum, ecrira apres cette «visite» : «Ici, la confiance renoncait : personne n’aurait eu le cœur ni le front de se faire devant nous un treteau de cette tombe. Une mystification etait deja bien difficile a admettre, mais une infamie !»

La table s’exprime tres simplement : un coup pour la lettre A, deux pour un B, et ainsi de suite. Apres la chere Leopoldine, viennent s’exprimer quantite de fantômes : Napoleon Ier, Mahomet, Eschyle, Jesus-Christ, Neron, des entites comme le Drame, le Roman ou l’Ombre du Sepulcre, etc. Les seances de spiritisme sont desormais quotidiennes. Hugo n’assiste qu’aune sur trois, se contentant de noter lettre a lettre les messages des esprits. Il doute, croit, doute a nouveau. Il n’a aucun «fluide». A la table, son fils Charles se revele etre le meilleur medium.

La table fait des vers et délivre des oracles insondables dans une langue emphatique. «Contrairement a un cliche cent fois repete par des esprits legers, la table ne parle pas le langage de Victor Hugo, a estime l’hugolien Jean Gaudon. Certaines des images qu’elle emploie, étaient, litteralement, impossibles avant l’avenement du surrealisme. Faute de pouvoir, a moins de croire a la metempsycose, les attribuer raisonnablement à l’esprit d’Andre Breton, il va falloir, pour aller plus loin, prendre conscience de cette difference criante entre la poesie de Hugo et l’extravagante dictee de la table.» Pour Jean-Marc Hovasse, les discours de la table ressemblent surtout a une parodie de Hugo. «Ça n’a rien de sublime. Les Contemplations, c’est tout de meme bien meilleur.»

Le 22 janvier 1854, la table commente une conversation de Hugo et Vacquerie que nul n’avait pu entendre. La resistance cede, Hugo ecrit : «Voila qui est prodigieux ! Il n’y a rien a repondre a cela. Je me declare convaincu.» Le jeu de societe devient aventure dangereuse. Fin decembre, Victor Hugo confesse : «Les tables, qui commencent a cette heure la grande Bible nouvelle, y melent et y tordent le livre d’obscurite et de clarte ; elles nous laissent croyant davantage et tatonnant encore plus.»

Les seances de spiritisme vont s’interrompre brutalement en octobre 1855, apres qu’un des participants, Jules Allix, est pris d’une crise de demence qui necessitera son enfermement. Ceci rappelle l’acces de folie de Victor Hennequin, un ancien pretendant de Léopoldine qui, a Paris, s’est laisse convaincre par les tables qu’il etait devenu une espece de Dieu vivant et l’interprete exclusif de l’ame de la Terre. Adele, la fille de Hugo qui finira folle, n’est pas non plus dans une forme mentale eblouissante ; quant au poete, il pense avoir ete elu pour guider l’humanite.

Il etait donc grand temps d’arreter de maltraiter le gueridon, d’autant que celui-ci ne delivrait plus grand-chose de surprenant, ressassant les memes visions hallucinees. Hugo gardera toutefois un contact avec le surnaturel tout au long de sa vie, poursuivi par les esprits frappeurs et des apparitions etranges.

Que faire des revelations de la table ? Elles ont ete consignees dans quatre cahiers rouges que Victor Hugo hesite a rendre publics : «Ce livre, au lieu d’etre accueilli par le respect et la foi du genre humain, serait accueilli par un immense eclat de rire.» L’homme politique qui est en lui se mefie : «En nous ridiculisant, je crains que cela ne ridiculise la democratie, et la partie de la democratie que nous representons.» Les cahiers, formant le Livre des Tables, ne seront publies qu’en 1923, bien apres la mort du poete, dans une version tres lacunaire. Chose etrange, ils ne figuraient pas dans l’inventaire des biens de Hugo etabli à sa mort. La BNF en possede deux, et nul ne sait ou sont passes les deux autres (2).

Sauf a croire aux esprits, il est difficile de trouver une explication simple aux phenomenes de Marine-Terrace. Transe collective ou s’exprimaient les inconscients des participants, en particulier celui du fils Charles, ecrase par son genie de pere ? Crise de «paraphrenie fantastique» chez Victor Hugo qui, selon l’hypothese du Dr Jean de Mutigny, aurait nourri des idees extravagantes a partir de «forces cosmiques» imaginees ? Le scribe des seances de tables parlantes se serait-il laisse aller a cette sorte d’ecriture automatique qu’ont pratiquee ensuite les Surrealistes ? Pour les universitaires specialistes de Hugo, l’essentiel n’est pas de trouver une explication mais d’analyser les rapports entre cet episode spirite et l’œuvre, en particulier les Chatiments et les Contemplations, deux livres de poesie ecrits en partie a l’époque des tables. Il est etabli que Hugo n’a pas fait entrer dans son travail la logorrhee de la table, bien que l’atmosphere envoûtee des deux ans de spiritisme ait de toute evidence favorise l’ecriture de longs poemes hallucines comme Ce que dit la bouche d’ombre, et bien d’autres. Bref, la table a aide le poete a accoucher d’une partie de son œuvre.

«Deux fois mort»

Le plus spectaculaire dans cette bouffee de paranormal, ce n’est pas tant ses manifestations que la symbolique qu’elle vehicule. «Hugo se considere alors comme deux fois mort , explique Jean-Marc Hovasse. Il l’est depuis la propre mort de Leopoldine. Et l’exil vient comme une seconde mort. Hugo avait voulu etre "Chateaubriant ou rien". Il a d’abord ete Chateaubriand, et maintenant il n’est plus rien. Contrat doublement rempli, en quelque sorte.» Il n’est rien, donc il est tout, allege, libre : Hugo dans les iles parle d’outre-tombe. «Que va-t-il y avoir dans mon tombeau, un prophete ou un poete ?» demande donc le grand homme aux esprits, le 22 octobre 1854. C’est l’esprit de la Mort qui vient dans la table et repond, de maniere un peu laterale il est vrai : «Il s’agit d’une œuvre formidable intitulee : Conseils a Dieu !» Comprenne qui pourra.

On aurait tort de se moquer, car Victor Hugo n’est pas improbable en visionnaire : ses ecrits sur la peine de mort, l’Europe, le feminisme, la justice sociale avaient tant d’avance sur leur temps que l’on peut les qualifier de prophetiques. Et ils ne devaient rien aux tables.

(1) Victor Hugo : Pendant l’exil I, 1851-1864, Fayard, 45 euros. La suite devrait paraître «avant le bicentenaire de Waterloo». (2) Les «Procès-verbaux des séances des tables parlantes à Jersey» ont été édités et commentés par Jean et Sheila Gaudon, dans le tome IX de l’édition des Œuvres complètes, sous la direction de Jean Massin (1968).

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