Olivier Bara, université Lyon 2, Institut d’histoire des représentations et des idées dans les
modernités
GSA -
Appel à communications – MLA 2023
à San Francisco, du 5 au 8 janvier
Insurrections en représentation : les discours politiques de la fiction chez George Sand Dans Les Misérables, l’irruption du discours au cœur de la représentation hugolienne des journées des 5 et 6 juin 1832 est célèbre ; une bipartition sémantique, juridique et politique s’y effectue entre « l’insurrection » et « l’émeute » : Il y a l’émeute, et il y a l’insurrection ; ce sont deux colères ; l’une a tort, l’autre a droit. Dans les états démocratiques, les seuls fondés en justice, il arrive quelquefois que la fraction usurpe ; alors le tout se lève, et la nécessaire revendication de son droit peut aller jusqu’à la prise d’armes. Dans toutes les questions qui ressortissent à la souveraineté collective, la guerre du tout contre la fraction est insurrection, l’attaque de la fraction contre le tout est émeute […]. Les mêmes journées insurrectionnelles de juin 1832 se trouvent représentées, plus de vingt ans auparavant, dans Horace de George Sand ; on y cherchera en vain un semblable discours, ce dernier se trouvant diffracté dans le dialogue des personnages et pris en charge, indirectement, par la mise en scène des événements à l’intérieur de la fiction. Du moins Horace mise-t-il sur la valeur référentielle des faits et représente-t-il une insurrection survenue moins de dix ans avant la publication du roman. Les autres grandes insurrections du « siècle de George Sand », des trois journées révolutionnaires de juillet 1830 à la Commune de Paris en passant par l’explosion révolutionnaire de 1848 ou les tragiques journées de juin 1848, trouvent-elles une semblable place dans les récits romanesques ou dramatiques de Sand ? Il semble qu’un double processus d’effacement et de déplacement soit alors à l’œuvre et qu’il faille traquer les discours sur ces événements dans les creux des textes, les métaphores ou les déplacements historiques. Sand s’en est expliquée dans la préface de son roman dialogué Cadio, en 1867 : rappelant l’exaction criminelle commise par la garde nationale en juin 1848 contre un « homme qui avait l’air d’un insurgé », elle dit aussitôt son refus de représenter des faits aussi proches, qui feraient « appel aux passions et aux ressentiments » ; aussi choisit-elle d’évoquer avec Cadio l’insurrection vendéenne de 1793. D’autres exemples de déplacement historique ou symbolique pourraient être rappelés, comme le naufrage des comédiens de Pierre qui roule (1869), métaphoriques de l’échec de la révolution de 1848. Alors que les discours politiques sandiens dans sa correspondance privée ou dans ses interventions médiatiques publiques ont déjà été étudiés, nous nous proposons de nous concentrer sur les « discours de la fiction » pour les analyser selon une démarche sociocritique. Que disent les romans ou les pièces de théâtre, avec leurs moyens propres, dans les détours de la fiction, dans le miroir déformant du récit historique, des insurrections populaires du XIXe siècle ? Date limite pour l’envoi des propositions de 200 mots maximum, en français ou en anglais : le 5 avril 2022.
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