西尾治子 のブログ Blog Haruko Nishio:ジョルジュ・サンド George Sand

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Brigitte Diaz, "L'Épistolaire ou la pensée nomade"

2016年03月21日 | 手帳・覚え書き
Brigitte Diaz, L'Épistolaire ou la pensée nomade

ISBN 2130519245, 24 Euros.

Broché: 271 pages
Editeur : Presses Universitaires de France - PUF (28 février 2002)
Collection : Ecriture
Langue : Français
ISBN-10: 2130519245
ISBN-13: 978-2130519249
Dimensions du produit: 21,5 x 13,5 x 1,5 cm
537,92 EUR

Brigitte Diaz est professeur de littérature française
à l’Université de Caen et présidente de l’A.I.R.E.
(Association interdisciplinaire de recherches sur
l’épistolaire).
Ses recherches portent sur Stendhal, Balzac, Sand,
Flaubert, Baudelaire, la littérature épistolaire et
la littérature personnelle. Elle a publié de nombreux
articles et plusieurs ouvrages dont notamment
L’Épistolaire ou la pensée nomade (Puf, mars 2002),
Stendhal en sa correspondance (Honoré Champion,
2004) et L’épistolaire au féminin : Correspondances
de femmes XVIIIe-XXe siècle (Collectif - PU de Caen,
2006 ; colloque de Cerise-La-Salle)

[compte rendu]
Geneviève Haroche-Bouzinac

Romantisme Année 2004
Volume 34 Numéro 126 pp. 122-123

http://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_2004_num_34_126_1301

1. Pour une brève histoire de la lettre
Dans ce premier chapitre qui sert en quelque sorte
de préambule, l'auteur propose judicieusement
un historique de la conception de la lettre, du XVIIe
au XIXe siècle : en effet il serait vain de vouloir
appréhender un genre aussi complexe que le genre
épistolaire sans une connaissance exacte du contexte
historique, social et culturel dans lequel une correspondance
précise a vu le jour.
Brigitte Diaz retrace ici l'évolution de la lettre, d'abord
envisagée au XVIIe siècle comme un outil de la sociabilité
mondaine modelé sur la conversation de salon, en réaction
à la tradition éloquente : Madame de Sévigné est présentée
comme la figure emblématique et incontournable de ce
nouveau code épistolaire conçu comme " la transcription
écrite d'une conversation qui n'aurait pas eu lieu " (p. 24).

Au XVIIIe siècle la correspondance se replie sur l'intime :
les épistoliers inventent de nouvelles règles et font de
la lettre le lieu de tous les grands débats, une lettre qui
se conçoit désormais comme un discours adressé à la
société. Enfin au XIXe, siècle romantique, l'épistolier
explore la singularité du moi, il est à la recherche
de la vérité.

(la lettre est l'émanation d'une volonté d'agir sur autrui).
l'épistolaire est un genre qui n'a pas d'essence stable
et que la lettre véhicule une " pensée nomade " qui
refuse les enclos génériques et qui par là même contribue
à repenser la notion de littérature.
C'est cette thèse ici clairement exposée qui forme
la pierre angulaire de l'ouvrage et qui permet notamment
d'affirmer la littérarité de l'épistolaire en conclusion.

2. Correspondance et genèses.
...l'auteur formule son projet d'étudier les correspondances
de jeunesse et énonce deux idées fondamentales qui
feront l'objet d'un développement ultérieur: la lettre
représente non seulement un véritable engagement
dans l'écriture (p. 71 : " la liaison épistolaire est
d'emblée liaison avec l'écriture, que la présence
de l'autre irrigue et dynamise "),
mais surtout elle
inaugure une genèse du je, la volonté de construire
un moi. Ici Brigitte Diaz rapproche de manière
significative la lettre de l'autobiographie et des
mémoires dans une volonté identique de saisie
rétrospective de son parcours, parcours qui revêt
la plupart du temps un aspect subversif :
on écrit d'abord contre l'ordre familial ou social.

3. La lettre : du lieu commun au verbe singulier.
L'auteur s'attache ici à l'étude de l'aspect esthétique
et littéraire de la correspondance, en refusant de
n'y voir que la simple manifestation de l'histoire
privée de l'épistolier, attitude majoritairement
adoptée par la critique du XIXe siècle : " la lettre
est une énonciation qui se cherche, et la seule
histoire qu'elle raconte est celle d'une parole
en quête d'elle-même " (p. 114). C'est dans
ce chapitre que Brigitte Diaz s'attaque à un lieu
commun qui consiste à envisager la lettre
comme une simple transcription de la parole,
conception héritée du Grand Siècle, mais qui
n'a plus cours au XIXe, où l'on écrit d'abord
pour écrire. En effet l'écriture permet de
construire sa pensée, de la rendre efficace,
et surtout à travers elle, l'épistolier condamne
le langage faux de la société. Or ce choix
symbolique de l'écriture conduit l'épistolier
à s'interroger sur la capacité de cette dernière
à dire l'être et sa vérité. Aussi le programme
d'une correspondance de jeunesse consiste-t-il
à " penser l'écriture et se penser dans l'écriture "
(p.137).


4. Correspondance et écriture de soi
Apparaît sans doute ici l'aspect le plus novateur
et le plus intéressant de cet ouvrage : dans ce
chapitre en effet, l'auteur démêle les relations
complexes qui unissent l'épistolier et celui à
qui il écrit. Car, Brigitte Diaz l'explique très bien,
l'adresse à l'autre n'est en réalité qu'un détour
pour revenir à soi.
L'autre sert à stimuler l'écriture,
à évaluer l'épistolier dans sa quête ontologique,

mais il constitue surtout un double du sujet
écrivant, un médiateur avec soi-même.
La lettre est donc outil de compréhension de soi,
mais un outil bien particulier qui ne permet pas,
contrairement à l'autobiographie, d'obtenir
un portrait unifié de l'épistolier, mais
un patchwork de formes d'expressions
(digressions, récits, méditations…)
à travers
lequel s'élabore un portrait par petites touches.
La lettre fournit ainsi un portrait kaléidoscopique,
marqué par la fragmentation et l'inachèvement.

5. Épistolaire et identité féminine
L'auteur met ici à mal un cliché tenace qui consiste
à dire que le genre épistolaire est un genre féminin,
en s'assignant comme objet d'étude les correspondances
de femmes du commun qui ne sont donc pas des écrivains.

Brigitte Diaz va centrer cette investigation originale sur
les lettres échangées entre George Sand et ses
admiratrices, montrant que ces correspondances
sont le lieu d'une prise de parole, d'une prise de
conscience d'une identité collective, ainsi que
le laboratoire d'aspirations littéraires inassouvies:

le débat inauguré au XVIIe avec La Bruyère n'était
en fait qu'un moyen d'assigner les femmes à
résidence dans les marges de la littérature.
Au XIXe, les femmes écrivent pour clamer leur
constat d'impuissance, pour sortir de leur isolement
social, pour la plupart elles attendent de la romancière
une légitimation, légitimation que George Sand ne
leur donnera que rarement, tant elle entretient
un rapport ambigu avec son sexe et son statut
de femme-écrivain, montrant par là même
les difficultés pour une femme à exister
dans l'espace littéraire.


Chapitre 6. L'épistolaire, seuil du littéraire ?
En guise de conclusion, ce dernier chapitre s'interroge
sur la littérarité de l'épistolaire. L'auteur revient alors
sur plusieurs points évoqués dans les chapitres
précédents et les détaille plus avant pour appuyer
sa thèse : l'épistolaire est " un arrière-pays de
la création littéraire " (p. 234).

Or c'est le nomadisme, notion centrale de cet ouvrage,
qui est présenté comme l'élément constitutif de
la littérarité de la lettre : cette dernière est
le support des premières réflexions littéraires,
elle permet au futur écrivain de s'interroger
sur sa vocation et d'élaborer son propre style,
elle est le lieu de déploiement d'une " pensée nomade ".
Brigitte Diaz met donc en lumière la dette de l'oeuvre
envers la lettre : " la lettre c'est la littérature sans
les genres, sans les cloisonnements, les raideurs,
sans les diktats rhétoriques " (pp. 245-246).


Ainsi ce livre sur l'épistolaire permet d'envisager
la lettre dans toute sa complexité, comme un objet
littéraire support d'informations, et non pas
seulement comme l'histoire privée de l'écrivain
ni comme un simple outil de sociabilité.

En s'intéressant aux correspondances de jeunesse
et en s'attaquant à des clichés ayant la vie dure,
Brigitte Diaz nous fait découvrir un ouvrage éclairant
sur les rapports entre l'épistolier et son destinataire,
entre l'épistolier, sa vie et sa conception de l'écriture
et surtout elle rend explicite le mécanisme par lequel
le futur écrivain passe de la lettre à l'oeuvre.

Mais avant tout, grâce à cette notion de " nomadisme ",
l'auteur saisit la nature instable et vivante de la lettre
qui est véritablement tous les genres et qui ne cesse
de nous faire réfléchir sur la littérature.


Marine Bouniol




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